« Pistolet AERON B 96, calibre 4.5 mm: tir rapide à 10 m»   par Christian Raynaud

n°57
Mars 2002

FIRE!

 

 

                          Bien avant que la fédération internationale de tir à la cible (ISSF) n’ait formellement choisi un règlement pour codifier les tirs de vitesse à 10m (à l’air comprimé ou au gaz), certains fabricants avaient pris les devants et proposaient depuis plusieurs années des armes spécifiques.

Faut-il d’ailleurs encore qualifier « armes » ces instruments de sport plus ou moins complexes qui servent à projeter, avec le plus de précision possible mais sans puissance d’arrêt, des diabolos de 4,5mm tout juste capables de perforer le carton des cibles ?

Les tergiversations de l’ISSJ n’ont, en tout cas, pas permis de faire avancer autant qu’on aurait pu le souhaiter la technologie de ces pistolets ! Dans le magazine FIRE, nous avions traité des précurseurs Steyr, Walther et autres Feinwerkbau dédiés à ces disciplines toujours en gestation. A chaque fois, nous avions précisé les options des constructeurs obligés de choisir entre plusieurs caractéristiques propres à leur assurer les performances et le succès… dans le cas ou le règlement final serait en harmonie avec ces pronostics !

Pour le moment, il semble que l’on se s’arrête sur le tir de séries de 5 coups en 10 secondes et avec un poids de détente libre, que ce soit en tir de « vitesse » sur 5 cibles ou en « standard » sur une seule… Est-ce la peur de voir ces nouvelles disciplines « à air » venir remplacer leurs homologues « à feu » à 25m qui fait que l’on a, justement, soigneusement évité de laisser se ressembler trop les deux catégories ? Aujourd’hui, nous ne débattrons pas plus de ce dilemme (car l’affaire est loin d’être jugée !) et nous contenterons de signaler un pistolet de plus capable de pratiquer, déjà et au même titre que les autres, ce genre d’exercice (finalement très plaisant, même si l’on n’y peut actuellement atteindre les Jeux olympiques ni s’entraîner valablement pour mieux tirer à 25m.). Le B96 tchèque a déjà un atout de taille : il est 2 fois moins cher que ses concurrents nés de marques réputées!

 

Le B96 est à la mode par l’anodisation colorée d’une partie de sa carcasse. Théoriquement, d’autres coloris existent… mais seul le VERT fut disponible chez nous !?
Pour donner au B96 l’équilibre d’un « vrai » pistolet de VO, nous glissons le poids amovible  tout à fait en avant. La pente de crosse est réglable de 111° à 123°, ce qui est exceptionnel pour un pistolet de coût modeste.

Petit rappel technique
Le pistolet à gaz et à chargement automatique B96 est destiné au tir sportif avec des plombs de modèle diabolo de calibre 4,5mm (.177). Réaliser un instrument performant pour ce genre de challenge suppose toujours les mêmes « ukases » : rapidité et fiabilité du réarmement automatique en tentant de conserver les qualités d’une détente et la précision d’un pistolet à un coup.

Jusqu’à présent, les systèmes les plus performants font toujours appel au même principe de magasin : les projectiles sont logés dans une barrette qui se déplace transversalement à l’axe du canon. En gros, c’est une crémaillère à échappement poussée par un ressort préalablement bandé qui assure la présentation successive des 5 plombs. Il paraît que les cartons les plus secrets de MORINI ou PARDINI renferment des projets d’alignement longitudinal des plombs… mais rien n’est encore sorti à ce jour pour remplacer le chargeur latéral. Les difficultés qui subsistent donc toujours avec ce dernier système sont la préservation de l’étanchéité malgré sa mobilité et le fait que, comme c’est le cas d’un revolver, chaque projectile est logé dans UNE CHAMBRE DIFFERENTE du précédent ! Toutefois, la puissante explosion d’une cartouche dans une arme à feu est sans commune mesure avec la délicate pression d’air (ou de CO2) censée pousser régulièrement les jupes des diabolos de 4,5mm : une infime différence de poussée due aux inévitables fuites de gaz suffit à disperser le groupement au-delà des exigences de la compétition.

Malgré les opinions tranchées de certains thuriféraires, nous n’avons jamais accepté la possibilité qu’un pistolet à 5 coups puisse atteindre la précision d’un modèle à un seul coup. Nos tests ont d’ailleurs toujours vérifié cette différence. Si les pistolets semi-auto sont vendus avec, en accessoire, un magasin à UN coup… c’est uniquement parce que le règlement du tir sportif de précision à 10m (discipline olympique) impose le chargement coup par coup! La mesure des vitesses initiales (V°) obtenues avec les deux systèmes montre leurs similitudes autour d'une moyenne de 130 m/sec. avec un écart type de 1.74 à 2.71 seulement après plusieurs essais de séries de 15 coups. L'imprécision relative est donc bien due a chargeur à 5 "chambres"!

« 91 coups B96 » : tir de 91 coups sans discontinuer, à partir d’un remplissage complet de la poignée à 12 gr. (pistolet froid). Seul le dernier coup est entendu « faible » et le suivant n’est pas parti, preuve que la soupape régule bien.

20 plombs « Final match » HN cal. 4,50mm. Le H+L de 51mm est suffisant pour les cibles du type “vitesse” en réduction mais certainement pas compétitif si les projets d’en revenir officiellement à des cibles du type « précision » l’emportent.

 


 




Sous la poignée, l’orifice de remplissage que l’on peut remplacer par un bouchon perçoir pour les capsules à placer à l’envers

Le coup de génie du B96, que nous sommes heureux de signaler (en sus de son modeste prix de vente !) est son mode d’approvisionnement en gaz qui est double :
1/ les cartouches de 12 gr. de CO2 (souvent réservées à des engins pour le tir de salon ou a des « répliques ») que l’on introduit dans la poignée.

2/ Cette même poignée s’utilise elle-même comme un réservoir, grâce à un bouchon spécial qui en assure la fermeture étanche, que l’on remplit avec une bouteille portable d’une contenance de 150 gr. de gaz. Dans les deux cas, la préférence a été donnée à la mobilité. Cette réserve « intermédiaire » retrouvera sa pleine capacité en la connectant à une bouteille fixe de plusieurs kilos. Il faut savoir qu’elle équivaut à 12 capsules de 12gr. et que l’on doit pouvoir tirer près de 1000 plombs avec elle. Ce volume devrait suffire à tous les tireurs qui s’éloignent un peu de leur base ! En pratique cependant, vous ne ferez pas 12 remplissages du pistolet mais certainement plus. En effet, une cartouche prévue pour 12 gr. les contient assurément, quelle que soit la température ambiante. Par contre, lorsque le tube à l’intérieur de la poignée devient le réservoir, il s’échauffe progressivement dans la main du tireur jusqu’à ne plus accepter que 8 gr. de gaz, voire 6 gr. ! L’expérience nous a montré qu’il devient donc prudent de procéder au remplissage du pistolet tous les 30 coups. Cela n’a rien de fastidieux et le système est tellement pratique que cette charge ne nous fait absolument pas regretter les procédés classiques des cartouches de 45 gr. (Steyr, Walther et autres…) qu’il faut laisser séjourner au frigo avant de les remplir correctement !

 


  
Le tir à sec dans les conditions de départ réel est permis grâce au levier qui sert aussi de sécurité. Le système retient simplement les ailettes d’armement du percuteur.

 

      
Le maniement du chargeur latéral exige une certaine dextérité : il ne se retire qu’en basculant vers le bas, et jusqu’au « clic », la lame-support-crémaillère. Attention : bien enfoncer les plombs « à ras » en alimentant !


 le mini chargeur en aluminium ne présente aucune marque d’usure car il n’est pas muni de crans. Seule la glissière qui le supporte dans l’arme, une lame d’acier bleu, travaille.

                   


Le compensateur/frein de bouche donne véritablement un look d’enfer au B 96 !
Il semble bien que l’esthétique soit sa seule efficacité au vu du groupement obtenu assez passable. Il y a un seul guidon fourni : 3,5 mm.

Avant de terminer cette description du B96 qui est un beau pistolet, bien réalisé, très pratique et suffisamment performant pour un entraînement de qualité, il nous faut dire ses quelques défauts et donc pourquoi il coûte si peu… car il n’y a pas de miracle :

-         Le groupement dont le canon est capable est un peu inférieur à ce que peuvent garantir les pistolets des grandes marques.

-         La détente d’origine possède des caractéristiques un peu insuffisantes, comme la longueur du départ qui est très filant ainsi que son poids (mais nous disons comment bricoler une amélioration).

-         En cours de tir et s’il arrive que l’on soit en fin de gaz, le magasin coulissant peut rester coincé. Il devient impossible de le reculer ou de l’avancer, tout simplement  parce qu’un plomb est légèrement chambré. La solution consiste à repousser le fautif dans son alvéole au moyen d’une tige de cuivre introduite par le canon. En fin de gaz, il nous est arrivé parfois le contraire : une rafale de 2 plombs. Autant le savoir et éviter de tomber en panne sèche !

-         Il n’y a pas, à proprement parler, de barrette de séparation et l’on risque de manquer la répétition des coups si l’on ne prend garde à relâcher très vite la queue de détente après chaque départ. (inconvénient très éducatif au demeurant !)

Si le B96 n’est évidemment pas une « bête de match », on aura compris tout de même le grand intérêt qu’il présente, utilisé comme un pistolet très convenable pour l’initiation et l’entraînement au tir rapide à 10m. Nous avons éprouvé énormément de plaisir à son usage tant il est agréable à tenir en main et qu’il semble donner une réaction « vivante » au départ des coups : le cabrage aussi bien que le son. Il nous a fait penser à ces pistolets russes de légende, rustiques et biscornus mais capables de remporter des médailles olympiques !

Le système de hausse est très honnêtement réalisé avec, toutefois, une faiblesse dans la précision du marquage des clics en élévation. Les valeurs de réglages donnent des mesures du déplacement de l’impact à 10 m de 3,1 mm en élévation et de 2,6 mm latéralement. La hausse est du type « visser/monter/à gauche ».

La planchette de hausse comporte de 2 crans de mire (par retournement) : 2,8 mm et 3 mm.

Le mécanisme de détente

Dans ces pistolets, l’on sait qu’un percuteur longitudinal vient frapper une soupape qui s’ouvre brièvement pour libérer du gaz propulseur. Armé, ce percuteur exerce une force « PR » sur le système de détente. Le levier transfère cet effet et en réduit l’importance en « R2 ». Là se trouve le véritable cran d’armé que l’on peut fignoler à la pierre à huile (avec la prudence que l’on imagine facilement) pour en améliorer le caractère de netteté. A ce niveau, on ne peut réduire la pression de base qu’en diminuant la tension du ressort de percussion. Or, cette pression détermine la quantité de gaz et donc la vitesse des projectiles. Donc, pour un réglage plus personnalisé de la détente, le B96 ne proposait que les vis « R4 » (pour la longueur de l’engagement de gâchette), « R5 » (backlash) et –avant modification- la vis « R3 » pour ajuster la pression de pré-course. La longueur d’accrochage est de 1,7mm à l’origine (contre 0,3 mm pour un Steyr LP5 !) et il serait très risqué de trop la réduire. Afin d’obtenir un poids de départ réduit *(de 250 à 500 gr. environ, ce qui est acceptable pour la discipline) à la seule résistance au glissement de l’accrochage plus la force de rappel de « R1 », nous avons modifié « R3 » pour y insérer un piston simple (un clou de 2,5mm avec le même ressort récupéré). En dévissant « R3 », on recule son point de contact de manière à créer une « bossette » juste avant le départ. On comprendra que, même si la course reste de 1,7mm, la présence de ce nouveau « point dur » procurera de toutes autres sensations et une bien meilleure maîtrise du lâcher. Le B96 devient ainsi beaucoup plus compétitif par le caractère de sa détente, car ce n’est pas tant le poids de départ mais bien sa longueur qui donne la facilité du tir de vitesse.
* pour l'ancienne vitesse olympique. Depuis, la même modification nous a permis d'obtenir un poids minimal de 1 Kg sans soucis.


 

Caractéristiques

Pistolet à chargement automatique, à gaz CO2.
Calibre 4,5mm (.177) ; utilisation recommandée de plombs « carabine Match » de 4,50 pile.
Alimentation en gaz mixte : capsules de 12gr. (env. 85 cps) ou gaz dans la poignée avec mini-bouteille de 150 gr. fournie.
Capacité: 5 coups.
V° moyenne : annoncée à 145 m/sec. Réelle, en fonctionnement optimal selon notre modification : 130 m/sec. Bonne régularité, voir le tableau des mesures sur 15 coups.
Dimensions : 355x160x49,5 mm
Longueur de canon : 210 mm
Ligne de mire : 328 mm
Poids 1010 gr. Poids additionnel de 80 gr.

             

   

Les accessoires fournis sont une clé Allen de 3mm, 2 perçoirs, un bouchon/soupape de remplissage (absent de la photo car sur le pistolet), un raccord pour recharger la réserve de 150 gr. , quelques joints O-ring et la clé de démontage de la poignée.